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Du côté de la friche

Immersion littéraire dans la friche qui s’élève en paix et cachée, sous les fenêtres du parlement européen, le Caprice des dieux.

Depuis cet espace que Gilles Clément appelle un « Tiers paysage », le récit poétique la perspective de ses habitant∙e∙s de toutes espèces, végétales, animales et humaines ; imagine l’espace depuis leurs corps et à leur échelle ; éprouve l’épaisseur du lieu et ses histoires ;  envisage la friche comme un lieu de rencontre où l’on vient et vit, à hauteur de son inconstance, de ses formes hétérogènes et de son inventivité.

 Timothé de Bueger (9 ans et demi), compositeur et flûtiste, dans le rôle de l’Enfant, a créé les bruits de la friche et Julie Goldsteinas a accompagné Geneviève comme dramaturge.

 

Le 18 mai 2024 –  Friche privée rue Vautier à Bruxelles
fiEstival MaelstrÖm Revolution

Extrait

L’entrée en pavé mène au terrain. Sur le terrain interdit tu fais quelques pas. Sylvia Plath, la poétesse, dit : les miracles se produisent. Une friche s’élève sous tes yeux en plein cœur de Bruxelles.

Mer paisible sous la falaise de fenêtres. Une campagne de musées perdus. Quand tu vis, il faut s’étonner. Le miracle se produit. Les herbes et les arbres poussent à l’abris de la maisonnette blanche.

A la façon d’un chien, tu explores les arrières et les bords, les bancs sous le pin noir et l’érable sycomore, la maison rouge, le buste de Jean Linden, au fond du jardin. Le botaniste muet consacre le lieu. Du côté de la friche.

Quelqu’un tousse, sort de la maisonnette blanche. C’est le gardien du lieu. Quand tu vis, il faut s’étonner. Tu es la bienvenue. Un banc t’attend face à la friche.

Le calme de la friche s’installe. Le calme de la friche s’étend jusqu’à ses bords. A ses bords, le calme se réverbère et revient à elle. Le bruit arrive avec très peu d’humains. Trois gamins, quelques marcheurs. Ils partent, le calme se réinstalle. Le calme du lieu te pénètre. Il fait le lieu. Dans ton carnet se dessine le mot calme, au milieu.

La chatte Lola s’avance vers toi. Elle traverse la pelouse, vient à ta rencontre. Elle grimpe sur la table, ne te chasse pas. Elle hume tes mains et ton pouls pour la première fois. Confiante elle s’étire et t’offre son ventre. Tu ne bouges pas. Elle se lève, tu la suis des yeux. Elle entre dans la friche à pas de chat. Elle lève les pattes et n’écrase pas.

Tes pieds lourds se tiennent à distance. Tu attends et dans cette attente ton ouïe tes yeux tes doigts s’arrêtent – tu affutes tes sens. Lola contourne une herbe, une pousse d’arbre. Elle goute l’une, renifle l’autre.

Est-ce que d’autres aiment la friche…

Des entomologistes viennent de Liège.

Tu reçois des noms.

Tu parles à l’un d’eux :

─   J’ignore qui la gère.

─   Peu importe !

─   Qui veux-tu alors ?

─  Quelqu’un, « quelqu’un qui établisse avec elle un LIEN PERSONNEL »[1].

L’Enfant apparaît.

 

 

[1] Caroline Lamarche, Nous sommes à la lisière, Paris, Gallimard, 2019, p.22

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